Les peuples balkaniques cultivent parfois dans leur folklore une tristesse voulue, intense, qui paradoxalement, leur apporte le plus grand bonheur. C’est le “sevdah” - équivalent de la « saudade » portugaise : la nostalgie du pays qu’on a quitté, de la jeunesse envolée, de rêves à demi oubliés, de tout ce qu’on a aimé et qui, peut-être, n’a jamais été. Ce regret est vécu comme le point fort de leur identité, le bonheur le plus triste qui soit.
Le « Sud » imaginaire que l’auteure évoque ici poétiquement se construit entre les souvenirs d’enfance d’une macédonienne, son histoire familiale mi-paysanne, mi-bourgeoise, et son impossible rêve de le recréer avec un homme, dans un pays voué à la mort et au démembrement -- la Yougoslavie. A partir d’un noyau dans une ville de Macédoine naguère prospère, il irradie la sensibilité particulière de l’enfant du pays qui a quitté cette contrée pauvre et ardente, et qui tente de l’évoquer en une réminiscence toute élégiaque.
Ce récit autobiographique participe de l’intérêt de longue date de son auteure pour l’écriture de soi, le langage et le mal du pays, version balkanique.